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Kendo Innovation Laboratory

Alors que la pandémie de la Covid 19 frappe le monde depuis 2020,OKADA Morimasa sensei, kendo kyoshi 8e dan est un des pionniers dans la création d’un dojo virtuel avec des cours dispensés par vidéo, le « kendo innovation laboratory ».

KEN DO Magazine – Suite à la pandémie mondiale, à la fermeture des dojo et en l’absence d’entraînement en présence physique, vous êtes un des premiers à avoir créé des cours en visio-conférence, un véritable dojo virtuel : Kendo Innovation Laboratory. Quelles ont été vos motivations et de quelle manière vos motivations ?

 

Okada sensei: Depuis quelques années déjà, je réfléchissais au moyen d’utiliser les technologies modernes pour communiquer à distance mon enseignement par l’image et l’écrit. Lorsque que nous avons commencé à créer ces cours en ligne, les retours positifs furent au-delà de mes espérances. Je suis maintenant convaincu qu’on peut transmettre via ce média un savoir dans les do- maines des Arts du Sabre. 
Le projet venait de démarrer et la pandémie mondiale est arrivée. Cela a renforcé mon sentiment sur la légitimité et le côté novateur de cette solution. Nous sommes toujours en cours de développement et je ne cesse de me remettre en cause afin de transmettre le mieux possible tout ce que j’ai appris de mes ancêtres. Plus d’une année est passée depuis le début de cette aventure. Les cours, les vidéos et les newsletters (avec une traduction anglaise) sont diffusés sur la page Facebook et sur notre site internet. Les discussions en visio-conférence entre les abonnés sont de plus en plus nombreuses. Les pratiquants échangent sur leur expérience personnelle, posent des questions et proposent des solutions. C’est devenu un véritable lieu de partage. Régulièrement nous organisons des stages au dojo avec les règles sanitaires en vigueur au Japon en complément des cours en ligne. Les abonnés viennent maintenant du monde entier. D’Europe : France, Allemagne, Espagne, Belgique mais aussi des USA, de la Corée et bien entendu des Japonais de l’en- semble des provinces.

Vous êtes issu d’une famille dédiée au budo (Kendo, Iaido, Ken Jutsu) depuis des générations, que représente cet engagement pour vous ? 

Il existe à l’heure actuelle très peu de dojo privés même au Japon. Après la seconde guerre mondiale, le Kendo fut interdit sous l’occupation américaine. Mais les membres du Shodokan, à l’époque, continuaient néanmoins à s’entrainer en secret afin de maintenir le flambeau. Pendant cette pandémie, même la police japonaise ne peut pas s’entrainer. Les dojo privés sont les derniers bastions dans les moments difficiles. Mon objectif est une recherche constante pour transmettre le mieux et le plus fidèlement possible l’enseignement de mes ancêtres. Cette recherche entraîne de nouvelles découvertes et j’imagine sans cesse comment mon grand-père et mon père feraient. Mais il y a encore tant de choses que je n’arrive pas encore à traduire et exprimer. Néanmoins, je conserve toujours précieusement au fond de moi les enseignements qui m’ont été offerts depuis ma tendre enfance. Je fus très jeune responsable de l’enseignement au dojo et j’es- père que la génération suivante, mon fils et ma fille maintiendront la tradition du Shodokan.

Votre grand-père, feu OKADA Morihiro et votre père, feu OKADA Yasuhiko ainsi que vous-même depuis l’adolescence, avez entretenu un lien particulier avec l’Europe, mais pas seulement. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ? 
Au moment de ma naissance (3 ans après les Jeux olympiques de Tokyo en 1964), le Kendo dans le monde commençait à s’organiser au niveau fédéral. Cela veut dire que j’ai presque le même âge que la Fédération Interna- tionale de Kendo (FIK). Dans les années 70, Bernard Durand sensei, maintenant Kendo Kyoshi 7e dan, est arrivé au Japon. C’était un des premiers pratiquants de Kendo en France. Quand Durand sensei et son groupe constitué d’André Tuvi, Jean-Pierre Reniez, Didier Olivry, Pierre Delorme et Christophe Rodrigue entre autres, arrivèrent au Japon et frappèrent au portail de notre dojo familial le Shodokan sur la recommandation de YOSHIMURA Kenichi sensei Kendo Kyoshi 8e dan, je n’avais que 5 ans. À cette époque, on ne croisait que très rarement des étrangers dans les rues de Tokyo et plus particulièrement celles de Shimotakaido. Leur séjour au Japon fut de longue du- rée (plusieurs années pour certains). Comme enfant, cela me marqua et me toucha particulièrement de rencontrer des étrangers qui s’intéressaient à la culture japonaise. Ils s’entraînaient plus sérieusement que les Japonais avec conviction et beaucoup de courage. Ce qui me frappa le plus, fut le fait qu’ils apprenaient le Kendo et le Iaido avec mon grand-père et mon père qui étaient particulièrement sévères et exigeants en japonais, en VO. Mais entre eux ils parlaient français. Je ne comprenais que très peu ce qu’ils disaient et ces êtres me paraissaient très étranges. En 1971, monsieur Claude Hamot, le premier président de la Fédération Française de Kendo vint nous rendre visite au dojo. L’ambiance avec cette joyeuse troupe était extraordinaire. Et malgré mon jeune âge, je m’en souviens comme si c’était hier. En 1985, Bernard Durand sensei rentra au pays et l’année suivante il organisa le premier stage de Kendo en France avec mon père. Puis, ce fut une longue succession d’échanges. En 1987, âgé de 20 ans, j’accompagnais pour la première fois mon père. Cette année là, François Briouze organisait un stage à Val-d’Isère, c’était en été, je n’oublierai jamais ce dojo éphémère érigé sur une piste de ski. Puis, ce fut le tour de Jacques Muller en Alsace d’organiser un stage annuel à partir de 1990. Par la suite à Metz avec Francis Saget, Toulouse avec Pascal Loïdi. Et à partir de 2000 jusqu’en 2015, nous avons organisé les stages en Principauté d’Andorre. Aujourd’hui, cela continue dans le dojo de Jacques Muller en Vendée. Pendant toutes ces années, nous avons accueilli chaque été des pratiquants de nombreuses nationalités et échangé grâce à l’aide et le soutien de Marijo Tabbah-Sellam qui assurait la traduction. C’est un très bon souvenir pour moi. D’habitude, je viens chaque année en France, en décembre et rend visite au Kengakukan à Malakoff, chez Mohamed Abla sensei et au Shodokan en Vendée. Par la même occasion, j’assiste HIRAKAWA Nobuo sensei Kendo Kyoshi 8e dan lors du stage national annuel en Belgique. Par ailleurs, SHIZAWA Kunio sensei, mon professeur pendant mes études à l’université avec lequel j’entretiens toujours une étroite relation, m’a confié la direction de son stage en Australie. L’ambiance est un peu différente de l’Europe, mais la passion des kenshi est identique. Cette expérience est également très précieuse pour moi.

Article extrait du magazine Ken Do Mag N°2
Propos recueillis : Alexandre PETITMANGIN 
Photos : Kendo Innovation Laboratory