Aller au contenu Aller à la barre latérale Atteindre le pied de page

Le spirituel dans la pratique

Dans l’étude du Iaïdo, la pratique doit être associée à la théorie: Ji Ri Ichi

Au delà de la technique, il y a l’aspect spirituel dans la pratique du Iaïdo. Trop souvent, les saluts sont effectués comme une mascarade en singeant les gestes à respecter mais sans en comprendre ni mettre aucun sentiment.

Au début de ma pratique dans les années 1985, les saluts étaient considérés comme une chose à faire mais sans importance ; et je ne comprenais pas les raisons pour lesquelles les premiers Sensei japonais invités à venir en France insistaient tant sur l’exécution correcte des saluts. Avant d’effectuer les saluts, il faudrait changer son attitude physique et mentale. Pour cela, il convient de se redresser, d’étirer son dos et sa nuque, et de sentir l’ancrage de ses pieds dans le sol, et de porter son regard au loin. En tant qu’arbitre de Iaïdo, et grâce à l’expérience acquise, l’état d’esprit des compétiteurs peut être perçu dès l’entrée du Shiai-Jo et lors de l’exécution des saluts : « voir ce qui n’est pas visible ». Selon les Budo pratiqués, les règles régissant ces saluts peuvent être différentes. A chacun de les adapter, en prenant en exemple ce qui est requis dans la pratique du Iaïdo.
Au début d’une séance de Iaïdo, il existe 3 saluts, et je vous donne quelques clés pour les aborder. Le salut au Shomen, ou au Kamiza (autel des dieux), ou aux drapeaux, ou à une composition florale harmonieuse (Ikebana), ou à un katana, ou à une calligraphie qui reprend un principe ou un concept lié à la pratique du sabre, ou autres… Cela représente les valeurs auxquelles nous adhérons, et l’atmosphère dans laquelle nous souhaitons nous fondre pour la pratique qui va suivre.

C’est respecter et adhérer au lien culturel japonais dont est issu le Iaïdo… Et au risque de décevoir certains, le Iaïdo n’est pas issu de la chevalerie européenne, et encore moins française ; aucune comparaison n’est possible.

Le salut aux professeurs, c’est non seulement ceux qui sont physiquement devant nous, mais aussi le ou les professeurs de ces professeurs présents, et même en allant encore bien plus loin jusqu’à remonter aux fondateurs de notre école traditionnelle.
C’est la raison pour laquelle il est important pour chacun de connaître sa « lignée » Jikimon. Toute rupture de cette longue chaîne de transmission serait comme un sarment de vigne coupé du cep… il ne portera plus de « fruit ».
Les saluer, correspond à nos remerciements pour la transmission des connaissances qu’ils apportent ; au temps, à l’abnégation et à l’énergie qu’ils ont consacrés pour atteindre ce niveau pour ensuite nous le re- donner lors d’un cours ou d’un stage.

Le salut au sabre, c’est le moment où vous portez votre esprit dans votre lame ; là où vous faites la jonction entre vous et ce sabre: l’osmose entre le sabre et le « samouraï ».
C’est la différence entre un pratiquant de Iaido utilisant un sabre, et un habile technicien dans le maniement d’un ustensile tranchant. Bien que cela soit en apparence qu’un simple instrument composé de métal, de bois assemblés et de fils tressés, ce sabre va vous permettre de vous développer tant en adresse, qu’en force physique et mentale.
Forgé lui-même, il va vous permettre de vous forger un nouvel état d’esprit au fur et à mesure de son utilisation au fil des entrainements. Vous devez y apporter le plus grand soin, le nettoyer et le ranger correctement dans sa housse, elle-même nouée soigneusement. Combien de fois, ayant prêté un sabre, et après ouverture de la housse de transport, je retrouve un « tas de chiffon » de housse mal ficelée !

 Tous ces saluts doivent être faits profondément, avec le plus grand respect, avec humilité.

Si vous faites les saluts sans conscience, alors ce sont des gestes vides de sens. Il faut comprendre que tout votre esprit doit s’infiltrer dans ces saluts, permettant ainsi de se « recentrer » pour la pratique du Iaido qui va suivre. D’ailleurs, un Sensei japonais disait que le livre « ZNKR Iai » n’était pas intitulé « ZNKR Iai-do », car le titre devait « déjà » évoquer que c’était un Do, sans nécessité de le préciser. Malheureusement, certains pratiquants s’arrêtent à l’aspect technique : « il faut que je fasse bien mon salut, sinon je rate mon examen de grade » ; ce n’est pas possible ! Trop de pratiquants font leurs saluts et ensuite passent à autre chose. C’est une grave erreur, car alors, votre pratique sera infertile et votre Iaido n’aura aucune profondeur. Si vous échouez à l’examen du 4e Dan, outre des techniques non maîtrisées et autres erreurs, posez-vous la question dans quel état d’esprit étiez-vous lors de votre présentation. C’est la différence entre un 3e Dan (grade technique) et un 4e Dan, et une des raisons de beaucoup d’échecs. Il faudrait que cette attitude d’esprit, cette humilité mise dans les saluts, soit conservée tout au long de votre pratique au sein d’un cours, ou d’un stage, d’un examen de grades, jusqu’à la fin… jusqu’au salut de clôture. Cet état d’esprit doit y rester, et il faut qu’il y reste ! Si cette notion est bien comprise et conservée, elle sera une des clés qui va nous permettre de pénétrer plus en profondeur dans l’étude du Iaido. De plus, après les 3 saluts de fin de séance ou autres entrainements, la connexion n’est pas complètement coupée. Grâce à la stimulation de votre esprit, il y a comme une rémanence qui interfèrera dans votre vie personnelle et lors des prochains entrainements… et vous prendrez conscience que votre attitude mentale ne sera plus la même lorsque vous prendrez de nouveau en mains votre sabre.

Philippe Merlier
Iaido Kyoshi 7e Dan